COP28 : farce et attrapes
Un patron du pétrole pour diriger les débats d’une COP28 censée agir pour diminuer le recours aux énergies fossiles ?
On se demande s’il ne s’agit pas de l’un de ces « faits alternatifs », dont une conseillère de Trump avait certifié l’existence, et auxquels personne n’avait cru, sauf l’intéressée et son mentor.
Eh bien si, ils existent, il faut se rendre à l’évidence, et c’est officiel depuis le 12 janvier : la prochaine conférence de l’ONU sur le climat, la COP28, qui se déroulera du 30 novembre au 12 décembre 2023 à Dubaï (Émirats arabes unis), sera présidée par Sultan Al Jaber, qui a l’honneur d’être à la fois ministre de l’industrie du pays et PDG de la compagnie nationale pétrolière Adnoc (Abu Dhabi National Oil Company).
Remarquons tout d’abord que dans ce pays, on ne peut pas dire qu’il y a collusion entre l’industrie et la politique, puisqu’il y a osmose complète.
Et ensuite, que c’est la première fois qu’une COP est dirigée par un patron d’entreprise parfaitement décomplexé quant à ses intérêts mercantiles et son absence de prise en compte des désastres environnementaux.
Sultan Al Jaber a tenté de rassurer, en affirmant que lors de cette COP28 son approche sera « pragmatique, réaliste et axée sur les solutions ». Pas besoin d’être grand clerc pour connaître le genre de solutions qui ont sa préférence, lui qui a récemment déclaré, lors d’une conférence pétrolière en 2021, que le monde devrait « « investir 600 milliards de dollars tous les ans dans le pétrole jusqu’en 2030, pour satisfaire la demande énergétique mondiale ».
Cette nomination montre que nous sommes entrés dans une nouvelle ère de la gouvernance mondiale, que l’on peut qualifier de paradoxale. On en a eu un avant-goût, sur un autre registre, avec le choix de l’Arabie Saoudite pour l’organisation des Jeux asiatiques d’hiver en 2029, à Néom, ville présentée comme « écologique » mais où la donnée environnementale est parfaitement négligée.
Les entreprises ont leur rôle à jouer dans la transition énergétique, y compris celles qui fournissent des énergies fossiles. De là à leur donner les clés de la maison politique commune, c’est une autre affaire. Et il se pourrait bien que les peuples, et surtout leurs jeunesses, se détournent de cette maison. Il ne faut pas s’imaginer qu’ils oublient les problèmes du réchauffement climatique, les événements catastrophiques, n’en doutons pas, seront là pour les rappeler à la réalité.
Mais, constatant qu’ils sont si mal représentés dans les instances politiques mondiales, et qu’on les prend pour des nigauds, ils seront amenés vers d’autre formes de manifestations, plus radicales et violentes.
Toutes les entreprises qui ménagent l’avenir et œuvrent pour la transition énergétique doivent se sentir trahies par cette nomination aberrante. Nous ne sommes pas à l’abri que dans l’opinion publique se forme une équation redoutable : Entreprises = Réchauffement climatique = Dirigeants politiques corrompus.
Ce serait réduire à néant les efforts que depuis 30 ans de nombreuses entreprises ont mené dans le sens de la transition énergétique.