Bruno Le Maire plaide pour une IA européenne
Bruno Le Maire intervenait le 9 février dernier dans le cadre du World AI Cannes Festival, l’événement majeur de l’Intelligence Artificielle en France. L’occasion pour lui de rappeler les enjeux de ce secteur en plein boom, où la France, au sein de l’Europe, doit tenir son rang.
En effet, l’IA sera l’une des pierres angulaires du monde de demain, dans tous les domaines : économie, santé, éducation, lutte contre le réchauffement climatique, démocratie, culture. On pourrait aussi ajouter la sécurité et la Défense, enjeux qui ne sont plus occultables dans le contexte actuel de tensions géopolitiques extrêmes.
Pour le ministre de l’Économie, l’Europe, qui a inventé l’imprimerie, doit rester un lieu de ruptures et d’innovation, afin que la connaissance reste au coeur de son existence. L’Union européenne s’est faite la championne de la régulation sur internet, et il est vrai que le RGPD a influencé tout un courant de régulations dans le monde. Cependant, cela n’est pas suffisant : « Réguler c’est bien ; innover, c’est mieux », affirme-t-il, lançant un challenge aux instances européennes.
La France, quant à elle, dispose de nombreux atouts pour devenir « la première nation de l’IA en Europe ».
4 atouts, et 2 faiblesses
En premier lieu, son excellence scientifique, grâce à ses grandes écoles réputées et à ses centres de recherche. Dans ce cadre, le ministre plaise pour une liberté totale laissée aux institutions pour rémunérer leurs chercheurs, afin de la conserver sur le territoire français.
Le deuxième atout est notre énergie décarbonée. L’IA est en effet très énergivore, même si les nouveaux modèles sont désormais beaucoup plus sobres. A terme, les serveurs et supercalculateurs nécessaires pourraient consommer pas d’un 1GW, soit la consommation d’une ville de 500 000 habitants, ou encore une demi centrale nucléaire. Aucune autre nation que la France ne peut produire cette énergie décarbonée.
L’esprit d’entreprise représente également une force, et la France peut s’énorgueillir de quelques pépites : Hugginface, Lighton, Mistral, OVh Cloud…
Enfin, dernier atout, notre modèle open source, qui garantit au plus grand nombre un accès à cette technologie, et lui conserve la propriété de ses données. C’est là un enjeu crucial d’indépendance et de souveraineté, indispensable pour lutter contre les armes juridiques liées à l’extraterritorialité que n’hésitent pas à utiliser les USA.
Mais l’Europe présente aussi bien des faiblesses : une puissance de calcul très faible, encore largement dépendante de l’étranger, et des capacités de financement insuffisantes.
Sur ce dernier point, rappelons que Sam Altman, le fondateur d’OpenAI, propose de mettre sur la table 6000 milliards de dollars pour créer les infrastructures nécessaires au déploiement de l’IA. L’initiative Scale up Europe, lancée en 2022, et qui a pour objectif de proposer des financements aux scale-up (start-up en croissance) sans dépendre des fonds étrangers, notamment américains, visait, quant à elle, 10 milliards d’euros. On le voit, le changement d’échelle est impératif.
Des solutions, à l’échelle européenne
Pour gommer ces faiblesses, Bruno Le Maire défend deux mesures phares. La première est l’union des marchés de capitaux européens, nécessaire pour passer à l’échelle, car les financements bancaires seront insuffisants. Enfin, il met en avant la création du marché unique de la donnée, avec le Règlement européen sur les données, entré en vigueur en janvier 2024 : « Une place de marché régulée pour éviter les spéculations et garantir l’indépendance de l’Europe. »
Dans l’expression consacrée « Intelligence Artificielle », le premier mot est intelligence. C’est en France que les Lumières ont fait leur apparition. Nous pouvons continuer à les faire briller au-delà de nos frontières. Gageons que cela sera possible si nous apprenons à les alimenter avec l’énergie la plus renouvelable possible.