Rapport du Shift project sur l’IA
L’équipe Numérique du Shift Project vient de publier son rapport intermédiaire : « Intelligence artificielle, données, calculs : quelles infrastructures dans un monde décarboné ? ».
La promotion de l’IA générative au grand public depuis fin 2022 a accéléré la dynamique de croissance déjà très forte des infrastructures de stockage et traitement de données. Centres de données, serveurs et cartes graphiques se multiplient et se complexifient, appelés par les besoins d’entraînement des modèles de langue et les requêtes qui leurs sont adressées. Les investissements physiques et matériels déployés en ce sens catalysent cette dynamique, en prévision de futurs usages anticipés par les acteurs.
Comme l’ont manifesté les rapports ESR d’acteurs-clés du numérique au printemps dernier, cette augmentation les pousse à remettre en question leurs engagements climatiques et les éloigne du cadre quantitatif commun de réduction de l’ensemble des émissions de gaz à effets de serre du secteur fixés par les acteurs du numérique eux-mêmes (SBTI).
Permettre l’adoption de ces nouvelles intensités d’usages n’est indolore ni pour les systèmes numériques, ni pour les infrastructures électriques. En 2022, la consommation électrique des centres de données mondiaux est de l’ordre de 460 TWh. Elle pourrait atteindre 650 à 1050 TWh d’ici 2026 (IEA, 2024). Avec une telle croissance, les centres de données et l’utilisation de l’IA pourraient entrer en concurrence directe avec des besoins-clés de la décarbonation : électrification des procédés industriels, de la mobilité et du logement, besoins d’électricité décarbonée pour la production d’hydrogène, etc.
Les nouvelles promesses de l’IA et de la puissance de calcul intensifiée ne sont pas compatibles a priori avec la transformation vers la décarbonation : demandes matérielles et énergétiques pour la production et l’utilisation des serveurs, centres de données, infrastructures, empreinte carbone des renouvellements de parcs d’ordinateurs, smartphones et objets connectés justifiés par « l’IA », etc.
Prendre en compte la double contrainte carbone au bon niveau dans le numérique implique un changement de paradigme, et les infrastructures de données et de calculs ne font pas exception : la question des conditions de pertinence revient invariablement.
Quelle approche méthodologique choisir ? Quelles sont les conditions sous lesquelles l’adoption de l’intelligence artificielle engendrera des dynamiques carbone-énergie bénéfiques plutôt que délétères ? Et celles sous lesquelles le rythme de déploiement des centres de données ne fragilise pas la décarbonation de notre économie ? C’est ce que ce nouveau rapport du Shift vise à documenter, afin d’éclairer les trajectoires d’innovation et de déploiement pour les inscrire dans des trajectoires énergie, carbone et environnementales compatibles avec les contraintes physiques.