Quand on préférait le charbon à l’énergie solaire
Il fut une époque où le charbon était une énergie d’avenir, et le solaire une énergie du passé.
C’est ce que nous apprend le précieux livre de Miguel de Bonnefoy, L’inventeur, nominé au prix de l’Écologie 2023. C’est un récit enlevé, très agréable à lire, une biographie quelque peu romancée d’Augustin Mouchot, qui dans la seconde moitié du XXe siècle, inventa une machine solaire, premier exemple de système capable de transformer les rayons solaires en énergie utilisable par l’homme.
Fils de serrurier, Augustin Mouchot est doué pour la mécanique, et pour les études. Il passe le baccalauréat et enseigne les mathématiques. Il s’intéresse, par la grâce d’un livre trouvé dans une bibliothèque, à l’énergie solaire. Pourquoi pas ? Après tout, le grand Archimède a sauvé dit-on la ville de Syracuse en brûlant les vaisseaux ennemis avec ses miroirs concentrant les rayons solaires.
Nous savons aujourd’hui que l’histoire est fausse, mais quand on n’a rien essayé, qui peut prétendre détenir la vérité ? Augustin Mouchot se met donc au travail et fabrique un concentrateur solaire, qui sera présentée à Napoléon III, puis lors de l’exposition universelle de 1878, où elle fait sensation. Il réussit à fabriquer un bloc de glace grâce à son concentrateur, et obtient une médaille d’or.
Pourtant, son invention sera délaissée, jugée peu rentable par rapport au charbon.
Et l’inventeur meurt dans la misère.
Pourquoi ? se demande l’auteur. « La France, tournant le dos au ciel, s’affairait à fouiller la terre pour y extraire, tous les jours, des milliers de tonnes de charbon. »
Et voilà : quand l’humanité se met à creuser une idée, elle n’arrive plus à porter son regard ailleurs. Elle creuse, elle creuse, et même quand elle s’aperçoit qu’elle creuse son tombeau, elle continue.
Qui s’est raté ?
Augustin Mouchot, inventeur donc, mais inventeur raté. Raté, non pas parce qu’il aurait manqué de méthode, ou qu’il se serait engouffré dans des fantasmagories. Non, raté, parce que la société n’était pas prête à recevoir son invention. Certes, le procédé technique n’était pas encore à son rendement maximum. Mais les recherches ont été bien trop vite abandonnées.
Ce qui est plus regrettable encore, c’est que personne n’ait pris conscience de la vérité qu’il énonçait dès 1869, dans son ouvrage La chaleur solaire et ses applications industrielles, où il prévoyait l’épuisement des ressources fossiles :
« il arrivera nécessairement un jour où, faute de combustible, l’industrie sera bien forcée de revenir au travail des autres agents naturels. Que les dépôts de houille et de pétrole lui fournissent longtemps encore leur énorme puissance calorifique, nous n’en doutons pas. Mais ces dépôts s’épuiseront sans aucun doute […] on ne peut s’empêcher de conclure qu’il est prudent et sage de ne pas s’endormir à cet égard dans une sécurité trompeuse. Ainsi, dans un avenir lointain sans doute, mais qu’on essaie déjà de calculer, l’industrie ne trouvera plus en Europe les ressources qui sont en partie la cause de son essor prodigieux. » (cité par wikipedia)
Voilà qui est bien prophétique !
Et l’on s’aperçoit que l’avenir tient à peu de chose. Dans un sens ou dans l’autre.
L’inventeur – Miguel Bonnefoy – Rivages
EAN : 9782743657031
208 pages – 19,50€